Résumé:
D'où vient que la musique, qui ne nous montre ni ne nous dit rien de précis, se
fasse si bien écouter, au point de nous saisir tout entier ? L'irritant secret de la
musique se dérobe dans un Ailleurs et semble délicieusement nous narguer.
Être à l'écoute de la musique c'est, dans la jouissance, se rendre sensible au tout
de l'oeuvre dans sa profonde ambivalence et sa pluralité de sens. Ses ouvertures
à l'abîme, son parfum de catastrophe, son fond de rumeur cosmique, ses jeux du
proche et du lointain, ses échos aux voix de la nature, le charme de ses mélodies
révélatrices de notre intériorité, son extraordinaire puissance expressive, enfin
sa double dimension de sacralité et de transcendance... Toutes ces dimensions
essentielles de la musique s'articulent toujours et de diverses manières : dans la
montée irrésistible du bas vers le haut, des gouffres vers les sommets, de
l'ombre à la lumière, de la crainte de la mort à son effacement, dans le rythme
affirmateur d'une vie soudain illuminée par des parcelles d'éternité dans un
temps recréé par elle.
Parce qu'elle enchante la sensibilité, stimule l'imagination et sollicite la
réflexion, la musique semble nous rapprocher de l'être. «Sans la musique,
écrivait Nietzsche, la vie serait une erreur.»