Résumé:
Le Moyen Âge ne fut pas la période historique de ténèbres que la doxa
moderne nous dépeint constamment. Bien au contraire, l'époque médiévale a
constitué, selon nous, l'âge d'or civilisationnel de l'Occident, qui a vu sa société
toute entière se conformer à un modèle intégralement traditionnel, en mettant en
pratique les principes métaphysiques, véritablement immémoriaux et universels,
qui transcendent le temps historique et l'espace où les hommes vivent. En effet, ce
Moyen Âge vitaliste, celui des cathédrales, des croisades et du bouillonnement
intellectuel, où l'Europe se considérait comme une unité supra-humaine et
constituait ce que l'on appelle la Chrétienté, a imposé un sceau d'éternité sur
l'histoire du monde occidental, qui n'a cessé depuis cette période de s'écarter de sa
propre tradition... pour son plus grand malheur. En nous abreuvant aux diverses
sources ouvertes par les grands clercs médiévaux (écrits sacrés, théologie, arts,
chroniques, romans...), continuateurs et accoucheurs de la pensée des Pères de
l'Église, et par l'imaginaire collectif (contes, légendes, fabliaux, coutumes...), qui
a grandement façonné les piliers mentaux et oniriques des occidentaux, cet essai
tentera de dégager les grands thèmes de la fertile métaphysique du Moyen Âge.
Perçons donc l'écorce de l'histoire et rongeons avidement l'os de cet âge béni afin
d'en retirer la substantifique moelle, et, nous déclarons, comme l'écrit saint
Anselme de Cantorbéry (1033-1109), grand clerc à la pensée si caractéristique de
son temps, dans son Proslogion (chapitre I) : «Je le confesse, Seigneur, et j'en
rends grâces, tu m'as créé à ton image que voici, pour qu'en me souvenant de toi je
te pense et je t'aime. Je ne tente pas, Seigneur, de pénétrer ton élévation, parce que
je ne lui compare à aucun degré mon intelligence ; mais je désire avoir jusqu'à un
certain point l'intelligence de ta vérité, que croit et aime mon coeur. Car je ne
cherche pas à comprendre pour croire mais je crois pour comprendre. Car je crois
également ceci : si je ne crois pas, je ne comprendrai pas»...