Résumé:
«Il n'y a pas assez de revues, ou si l'on veut toutes les revues sont
inutiles», affirme Antonin Artaud dans le texte d'ouverture du n° 1 de
Bilboquet, un feuillet double de papier gris qu'il signe du pseudonyme
d'Eno Dailor. «Nous paraissons parce que nous croyons répondre à
quelque chose. Nous sommes réels. Ceci au besoin nous dispense d'être
nécessaires.»
L'expérience singulière de Bilboquet ne résume pas, loin s'en faut, la
relation qu'Artaud a entretenue avec les revues qui l'ont publié. Lieux
d'expérimentation et de saisie de sa pensée, La Révolution surréaliste, La
N.R.F. ou Les Cahiers du Sud dans les années vingt et trente, L'Arbalète,
L'Heure nouvelle ou Troisième Convoi dans l'immédiat après-guerre, ont
été les instances de légitimation et les tribunes qu'il espérait.
Mais le mythe d'Artaud ayant, après sa mort en 1948, relayé l'oeuvre,
la question de la réception posthume de ses écrits dans certaines revues
poétiques ou d'avant-garde (K, 84, La Tour de Feu, Change, Tel Quel,
TXT), dans la presse littéraire (Le Monde des Livres, Libération, Le
Figaro littéraire) et dans des publications marginales comme les fanzines
rock, méritait aussi d'être abordée.
La lecture que nous proposons ici, à la fois biographie littéraire et cartographie
d'une postérité, porte donc tout à la fois sur la diffusion des
écrits d'Artaud dans les revues qui lui sont contemporaines et sur leur
réception dans celles qui lui sont posthumes. Les premières rapportent sa
revendication d'un droit à parler, les secondes témoignent de la formation
d'un mythe et de l'exploitation d'une mythologie.